Homélie de Mgr Marc Ouellet, 2003

Célébration eucharistique présidée par Mgr Marc Ouellet à l’occasion de l’approbation des Statuts du Chemin néocatéchuménal par le pape Jean-Paul II
Église Saint-Ignace-de-Loyola, Québec, 22 juin 2003


GRAND PRÊTRE DU BONHEUR QUI VIENT

« Le Christ est le grand prêtre du bonheur qui vient », c’est dans le temple de son corps que nous célébrons le culte de la Nouvelle Alliance. En cette fête du Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ, nous sommes particulièrement heureux de nous rassembler avec les communautés du Chemin néocatéchuménal afin de rendre grâce à Dieu à l’occasion de l’approbation officielle de leurs statuts par le Saint Père Jean Paul II. Je suis heureux de présider cette eucharistie solennelle qui exprime la reconnaissance de l’archidiocèse de Québec à l’endroit des fondateurs du Chemin et de leurs communautés qui apportent un témoignage évangélique percutant à notre milieu en voie de déchristianisation accélérée.

Les événements de ces derniers jours démontrent douloureusement l’influence anti-chrétienne qui pénètre les mentalités et les dirigeants et qui provoque des décisions contraires aux convictions et aux coutumes de la grande majorité des citoyennes et des citoyens de ce pays. Je n’accorderai pas plus d’attention à ces événements pour ne pas ternir la joie de cette grande fête liturgique et ecclésiale. Mais que cette brève allusion serve au moins à souligner l’importance et la pertinence du charisme propre du Chemin néocatéchuménal, dont la raison d’être est de catéchiser et de re-catéchiser des baptisés qui ont perdu le sens de leur propre identité. Longue vie au Chemin! L’Amérique a besoin de vous, surtout au Québec! Que votre témoignage de ferveur évangélique et de renouveau catéchétique réveille toutes les communautés chrétiennes, paroissiales ou autres, et qu’il aide à reprendre en force une véritable formation à la vie chrétienne. Si la culture ambiante est devenue étrangère sinon hostile au christianisme, c’est en bonne partie à cause de la baisse des valeurs chrétiennes à l’intérieur même de nos communautés. Quand le sel s’affadit… il n’est plus bon qu’à être jeté dehors et foulé aux pieds par les passants.

La Bonne Nouvelle du Chemin néocatéchuménal porte en particulier sur la rédécouverte de l’Eucharistie. L’Eucharistie, mystère pascal, l’Eucharistie, mystère d’Alliance. On vous reproche parfois vos longues liturgies, trop exigeantes pour des prêtres surchargés. Mais mesure-t-on suffisamment le signe qu’elles représentent, l’enthousiasme qu’elles génèrent et l’engagement ferme qu’elles fondent? Si nos baptisés savaient ce qui se passe entre le ciel et la terre au cœur d’une assemblée liturgique, s’ils découvraient l’amour de Dieu répandu à profusion sur les auditeurs de la Parole et sur les adorateurs de la Présence, que de problèmes sociaux seraient résolus, que de pauvres seraient secourus, que de familles seraient réconciliées avant d’éclater, que de jeunes seraient repêchés avant de se noyer, que de dépenses seraient épargnées à l’Etat, que de bonheur serait donné gratuitement à la société!

Le Christ est le grand prêtre du bonheur qui vient. L’Évangile nous le montre qui envoie ses disciples à la ville pour faire les préparatifs du repas pascal. Jésus a déjà tout préparé l’essentiel, il ne reste qu’à compléter quelques détails. L’essentiel c’est sa propre vie déjà offerte et sacrifiée en son Cœur, et qui doit maintenant être immortalisée dans le rite et consommée sur la croix. L’Évangéliste ne retient que la nouveauté introduite par Jésus pour signifier qu’il portait à son accomplissement le repas pascal juif : Sa parole solennelle sur la pain et le vin qui est le signe de la nouvelle alliance dans son sang. Puis Jésus ajoute: « Je ne boirai plus du produit de la vigne jusqu’à ce jour où je boirai un vin nouveau dans le royaume de Dieu ». Il annonce par là sa mort prochaine, imminente même, et sa victoire sur la mort, sa résurrection.

L’Eucharistie est la célébration du mystère pascal du Christ, la fête de son passage de ce monde au Père, entraînant dans son cortège triomphal tous ceux que le Père lui a donnés à sauver. Quand nous célébrons ce mystère nous entrons dans le mouvement même de l’Amour de Jésus, grand prêtre du bonheur à venir, qui retourne au Père avec reconnaissance ( eucharistie signifie rendre grâce) en le remerciant de pardonner aux multitudes et de répandre abondamment sur le monde l’Esprit de vérité, l’Esprit d’Amour. Nos célébrations sont des proclamations de cette victoire de l’Amour trinitaire, des confessions du passage de Jésus à travers la mer rouge du péché du monde jusqu’au port de la vie éternelle. Elles portent un message de joie et d’espérance à tant de naufragés de la vie en quête du salut.

Nos célébrations devraient être des expériences retentissantes de la puissance du Ressuscité! Tant d’églises anciennes représentent cette puissance par l’image du Christ Pantocrator embrassant le monde depuis le faîte des basiliques. Le Chemin en témoigne, non pas par des grandes œuvres culturelles ou artistiques mais par la force de ses communautés, par son enracinement solide dans une catéchèse baptismale axée sur le mystère eucharistique, et par sa course apostolique sur les routes de l’évangélisation avec la seule force de l’Esprit et de la Parole de Dieu. L’audace qui vous caractérise suscite parfois le reproche facile de « fondamentalisme » mais en fait c’est la simplicité de votre foi en la Parole de Dieu qui impressionne, qui dérange parfois, et qui emporte l’adhésion malgré quelques erreurs de parcours.

Car, comme peuple de la nouvelle alliance, vous savez les raisons pour lesquelles il faut prendre encore plus au sérieux l’engagement solennel du peuple de la première alliance : « Tout ce que le Seigneur a dit, nous le mettrons en pratique, nous y obéirons ». Comment ne pas être enthousiastes, passionnés, dérangeants, quand on a conscience de répondre à l’Époux divin qui se donne lui-même avec son corps et son sang, qui verse son amour divin dans les cœurs, et qui commande à ses disciples de s’aimer comme Lui-même nous aime! Vos folies d’amour et vos engagements communautaires sont cohérents avec ce que vous célébrez et ils sont tonifiants pour un peuple dont la mémoire religieuse est atrophiée et dont les communautés sont menacées de perdre complètement le sens de la Pâque et du dimanche. Votre radicalisme et votre enthousiasme illustrent les vraies joies que donne la fidélité à l’Alliance et ils confirment les familles chrétiennes dans leur volonté de durer et de s’épanouir même au milieu d’un effondrement culturel. Vos pratiques catéchétiques et vos liturgies eucharistiques sont des écoles efficaces de formation chrétienne pour une église missionnaire. Elles témoignent de la puissance de l’Esprit et de la créativité de l’église face aux égarements d’une génération pervertie qui vit l’obsession sexuelle comme un modèle de liberté.

Chers amis du Chemin néocathécuménal, la moisson est abondante mais les ouvriers son peu nombreux, prions donc le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson. Ces vocations missionnaires dont l’Église a besoin sont laïcales, sacerdotales et religieuses, mais elles doivent être désormais enfantées et longuement formées à l’encontre des influences culturelles dominantes. Vous avez compris cette exigence des temps présents. Vous savez aussi que la famille chrétienne, fortement soutenue par un mouvement dynamique de nouvelle évangélisation est le chemin obligé pour régénérer la culture en direction d’une civilisation de l’amour. Rendons grâce à Dieu pour le signe des temps et le signe d’espérance que représente votre Chemin. Puisse votre témoignage continuer à fleurir avec l’audace de l’Esprit et la délicatesse de la charité, afin que beaucoup de jeunes et de familles rencontrent avec votre aide le Christ Sauveur, le grand prêtre du bonheur qui vient.

+ Marc Ouellet
Archevêque de Québec,